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Le repas en famille : un moment qui devrait être convivial mais qui peut vite devenir stressant quand un enfant refuse de manger le repas servi et ne veut que des pâtes …et cela à chaque repas. C’est pour envisager tout un arsenal de solutions à cette problèmatique »Mon enfant ne veut pas manger » que j’ai invité l’orthophoniste Aurélia Perrin dans cet épisode 3 de podcast.
Cliquez sur la flèche tout en haut de l’article pour écouter l’interview en podcast
Retranscription écrite ci-dessous pour ceux qui préfèrent lire :
Sommaire de l'article 👉
Mon enfant ne veut rien manger
Marie : Après le 1er épisode dans lequel nous avons vu comment l’enfant développe peu à peu son répertoire alimentaire,
L’épisode 2 dans lequel on a vu les freins qui peuvent empêcher des repas variés et sereins
Aujourd’hui nous entamons l’épisode 3 sur les OUTILS pour débloquer les situations et accompagner les enfants dans cette découverte alimentaire avec Aurélia Perrin orthophoniste.
Jingle Titi Boyé
Marie : Alors aujourd’hui dans l’épisode 3 des podcasts avec l’orthophoniste Aurélia Perrin , nous allons aborder des outils par rapport aux freins qui peuvent empécher des repas variés et sereins que nous avions abordés dans l’épisode 2. Donc aujourd’hui nous abordons les OUTILS pour débloquer ces situations. Ceci à propos des repas qui tournent vraiment à un enfer pas possible avec des enfants qui ne veulent pas forcément manger ce qu’on a préparé et ce qu’ils ont dans l’assiette. Aurélia va nous proposer aujourd’hui différents points. Je te laisse nous dire le plan de ce que tu as prévu.
Mon enfant ne veut pas manger : le plan des solutions
Aurélia : alors on va reprendre plus ou moins le même plan que ce que nous avions vu au 2ème épisode avec les différents freins :
–les aspects sensoriels : donc quand on a identifié chez son enfant des freins d’origine sensoriel, que peut-on faire pour l’aider à avancer de ce points de vue là
–l’aspect médical : je ne le développerai pas car ce n’est pas mon domaine, il faut aller voir un médecin (voir l’épisode 2)
–l’aspect praxique : tout ce qui l’enchainement des mouvements et développement des capacités motrices de l’enfant
–les aspects comportementaux : ce que l’on peut mettre en place au niveau des routines à la maison pour essayer d’aider l’enfant à prendre des repères
–l’aspect plaisir : parce que l’alimentation, cela doit être aussi un plaisir. Il y a un aspect santé mais il y a aussi un aspect plaisir
L’enfant a besoin de toucher
Aurélia: Alors si on commence par tout ce qui est sensoriel, on avait vu qu’il peut y avoir des problèmes sensoriels pour les enfants. Soit qu’ils soient trop sensibles, soit qu’ils ne le soient pas assez sensibles (épisode 2) .
Donc une des premières choses, c’est de permettre à l’enfant d’explorer toutes les expériences tactiles qui sont possibles.
Ateliers patouille
Alors déjà on va d’abord un peu se détendre avec la propreté, le fait de ne pas toucher, de ne pas salir… parce qu’on peut nettoyer ! C’est important que l’enfant teste son environnement. Donc on peut mettre en place des ateliers ‘Patouille’. Le but s’est de pouvoir apprivoiser avec les mains son environnement : avec les mains, avec les yeux, avec le nez AVANT qu’on en arrive à la bouche.
Cela peut être par exemple :
des activités comme de la peinture aux doigts. En prenant de la peinture à l’eau, et en y mettant directement les doigts, en se mettant sur une feuille de papier
marcher pieds nus sur du sable, sur de l’herbe. des petits parcours pieds nus avec des bassines, on essaye de sentir les différentes textures
des saladiers avec de la semoule de couscous, des coquillettes, du riz, de la farine blanche et que l’enfant mette ses mains dedans pour sentir si c’est doux, si c’est granuleux. Et jouer avec aussi les enfants adorent cela : transvaser les graines d’un gobelet dans l’autre ou prendre des petites graines et les mettre dans des tubes. Voilà manipuler avec les mains différentes textures.
Marie : et en fait ces ateliers ‘patouille’ du coup auraient une influence à un moment donné sur les enfants, sur leurs prises alimentaires qu’ils refusent?
Aurélia : Oui ! Alors en fait on a vu dans les freins que certains enfants n’acceptaient pas l’alimentation parce que ils ont une sensibilité qui est exacerbée et on ne peut pas travailler tout de suite au niveau de la bouche. On commence par les extrémités : les pieds, les mains. Pour petit à petit remonter le long des jambes, du ventre et arriver au niveau du visage et de la bouche à l’extérieur puis de la bouche à l’intérieur.
Effectivement c’est une démarche qui est progressive et qui est longue. Mais si un aliment n’est déjà pas accepté avec les yeux ou avec le nez ou avec les mains : sa bouche ne l’acceptera certainement pas. Il y a vraiment besoin d’apprivoiser les choses petit à petit.
Donc on commence aussi par du non-alimentaire : peinture, sable, etc…puis on passe sur de l’alimentaire. Par exemple si on travaille avec de la pâte à modeler, on va prendre la pâte à modeler avant la pâte à tarte par exemple à étaler ou à faire des petits sablés ou des choses comme cela.
Et c’est vraiment important que le corps apprivoise les différentes textures d’abord par les mains et par les pieds AVANT d’arriver à la bouche.
Jeux tactiles et guilis
Aurélia : dans la même veine, ça peut être aussi tous les jeux de petites bêtes et de chatouilles. Quand je dis la petite bête c’est la petite bête qui monte, qui vient faire des guilis, etc… Alors les enfants en général adorent cela. Mais les enfants qui ont une hypersensibilité, peuvent être défensif et ne pas aimer cela. Donc évidemment on ne les force pas et on y va pas de façon brutale. Mais on essaye petit à petit de faire juste ce qui est accepté et puis normalement la limite va augmenter petit à petit. C’est à dire qu’il va accepter un peu plus au fur et à mesure.
Evidemment c’est mieux d’être accompagné quand il y a ce genre de troubles pour être guidé dans les différentes étapes.
Eveiller sa curiosité avec des odeurs
On peut aussi développer les 5 sens. C’est à dire attirer l’attention de l’enfant sur l’odeur qu’on sent dans la cuisine quand on est en train de faire à manger. Ou l’odeur qu’on sent, c’est moins agréable, mais à la station essence quand on va faire le plein. C’est à dire éveiller sa curiosité et lui faire affiner ses sens par rapport à ce qu’on voit, qu’on sent, qu’on entend.
Pour les odeurs, il y a aussi tous les petits jeux type loto des odeurs. On en trouve dans le commerce, il y a celui de Sentosphère qui sont assez bien.
Sinon on peut aussi faire soi-même avec des petits pots par exemple à épices (ou anciennement les boites à pellicules photos mais cela c’était avant !) où on va mettre différentes épices . On évite le poivre, le piment qui sont très piquant mais cela peut être de la cannelle, de la vanille, des petits copeaux de savon. Tout ce qui peut être odorant en alimentaire ou non alimentaire. Pour le plaisir de sentir ou de reconnaitre aussi selon l’âge des enfants on adapte.
Massages
Aurélia : au niveau sensoriel, il y a aussi tout ce qui massages. On n’a pas besoin d’être masseur pour masser mais cela se rapproche aussi des soins corporels ! Simplement par exemple quand on sèche l’enfant à la sortie du bain, essayer de lui proposer des massages des mains, des pieds, des bras (il n’y a pas de protocole strict, selon ce qu’on sent)
Les petits jeux au niveau du visage aussi qui s’accompagnent souvent de comptines. par exemple, je fais le tour de ma maison : je vais chercher des choses en touchant le menton, en touchant les joues, faire le toboggan sur le nez, etc…
Donc, ca c’est pareil on le fait à partir du moment où l’enfant en est là. Si il n’accepte encore pas qu’on lui touche les mains ou les pieds ou les bras, on ne va pas lui imposer les massages si c’est désagréable pour lui.
Cuisiner ensemble
Et puis pour développer ce qui est sensoriel et préparer à des repas un peu plus sereins : cuisiner ensemble. Car quand on cuisine ensemble, il y a tous les sens qui sont stimulés :
-aussi bien le toucher quand on prépare les choses
-l’odorat car les aliments ont une odeur quand on les cuisine
Donc on évite d’ouvrir la boîte de cassoulet et de la mettre dans le micro-ondes : parce que là au niveau sensitif c’est pas terrible ! C’est important que le corps et le cerveau se prépare à ce que l’on va manger justement en se mettant en route pour manger et en donnant les informations. C’est souvent ce qui fait qu’on va saliver, que les sucs gastriques vont être développés, que l’appétit va s’ouvrir, etc… Donc c’est bien si l’enfant est dans la cuisine au moment où on cuisine et de l’associer à cela.
Voilà pour l’aspect sensoriel.
Au niveau praxique : mouvement de la bouche
Aurélia : Au niveau praxique, donc quand on a des enfants qui bavent ou qui ont souvent la bouche ouverte, ou qui ont du mal à croquer, ou qui s’en mettent partout quand ils mangent : donc qui ont du mal à gérer et organiser les mouvements.
Objets à porter en bouche pour muscler
Quand ils sont tout petits, c’est bien de leur proposer tout ce qui est hochets, anneaux de dentition, les petites brosses à dents, …enfin tous les petits objets qui sont fait pour être portés en bouche. Ils peuvent avoir différentes textures, différentes matières, d’autres plus mous, d’autres plus fermes.
Le but c’est que les enfants puissent les machouiller, les passer dans la joue à droite, les passer dans la joue à gauche. Ca leur permet de muscler leur bouche et de développer le tactile avec différentes choses.
Jeux de souffle
Par la suite, quand ils grandissent un peu, il peut y avoir tous les jeux de souffle :
-Donc les sifflets (pour le grands plaisir des parents !!!)
-Les bulles (qui sont moins sonores !!!) : faire des bulles
-gonfler des ballons: alors les ballons de baudruche c’est un petit peu dur
-les parcours avec des pailles et une boule : en faisant une petite boule de papier et en proposant une paille à l’enfant, on souffle sur la boule pour la faire avancer sur un circuit qu’on a dessiné par exemple (ou alors on peut faire des parties de foot)
Donc il y a plein de petits jeux de souffle comme ça qui sont sympas pour les enfants, et qui permettent de travailler la musculature des lèvres, des joues, le coordination du souffle aussi. Parce que quand on mange, si on n’a pas bloqué sa respiration avant, et bien on risque de faire des fausses routes. on a donc besoin de coordonner à ce niveau là.
Sevrer de la tétine et du pouce
Par rapport à tout ce qui est développement moteur, c’est important aussi de sevrer de la tétine et du pouce le plus rapidement possible.
Donc, la tétine, au-delà de 2 ans, normalement un enfant n’a plus besoin de tétine.
Le pouce, au plus tard, à partir du moment où l’enfant perd ses dents de lait et que les dents définitives arrivent, on essaie de faire en sorte qu’il l’ait le moins possible dans la bouche.
Le but est que la bouche s’ouvre à d’autres explorations. Normalement la position de repos de la langue c’est au palais. Quand on ne parle pas et qu’on ne mange pas la bouche est censée être fermée et la langue doit aller au palais. Ça permet aux deux mâchoires de grandir correctement. Quand on a toujours le pouce ou la tétine dans la bouche, la langue ne peut pas monter au palais, elle reste en bas. Ça pose problème par rapport à la motricité de la langue, ça pose problème aussi par rapport aux croissances osseuses. Donc ce sont vraiment des choses qu’il faut essayer d’enlever au moment opportun.
Jeux de bruits de bouche
Et puis on peut aussi proposer aux enfants tous les petits jeux avec les bruits de bouche. Simplement, quand ils jouent avec un tracteur, un camion de pompiers (…), plutôt que de faire avancer le tracteur sans faire de bruit, le faire avancer en faisant des « BRRR », avec les pompiers faire des « PIN-PON… »… Toutes ces petites choses-là qui permettent aussi d’affiner les mouvements de bouche, qui vont servir pour le langage et aussi pour coordonner les mouvements pour l’alimentation.
Donc, ça c’était plus l’aspect moteur, pour les enfants qui ont tendance à « bavouiller », etc.
Ce sont des choses pour lesquelles il est intéressant d’être accompagner, mais en tout cas, ça donne des pistes de choses qu’on peut mettre en place déjà à la maison.
Aspect comportemental et psychologique
Au niveau comportemental, là, on va toucher différents domaines. On a vu qu’il y avait des domaines qui étaient plus d’ordre psychologique, donc ceux-là, je ne les aborderai pas. Il faut aller voir un psychologue quand il y en a besoin. Contrairement à ce qu’on entend des fois, on peut travailler avec un psychologue et un enfant même jeune. Il n’y a pas besoin d’être adulte pour être pris en charge par un psychologue.
Là, on va plus voir des choses pratico-pratiques du quotidien.
Avoir l’eau à la bouche
Donc, comme on l’a déjà dit, avant de manger, il y a la mise en projet de manger. Le cerveau et le système digestifs se préparent en voyant les aliments, en sentant les odeurs. C’est ce qui a donné l’expression « avoir l’eau à la bouche ». Quand on passe par exemple devant une boulangerie ou une maison où le repas est en train de se faire, ça stimule chez nous l’envie de manger et pour les enfants, c’est évidemment pareil.
Goûter et regouter…et regouter !
Une chose qui est importante à savoir, c’est qu’il faut goûter au moins 7 fois un aliment avant de savoir si on l’aime où si on ne l’aime pas. Donc, quand un enfant goûte quelque chose et qu’il est un peu réticent, c’est normal parce que c’est la première fois qu’il le goûte. Il va falloir qu’il le re-goûte et qu’il le re-re-goûte et qu’il le re-re-re-goûte pour savoir si vraiment il aime ou il n’aime pas. On ne va pas le forcer à manger une pleine assiette de ce qu’on a servi, mais en tout cas, on va lui demander à chaque fois de goûter au moins une cuillère ou deux. Après, il aime ou il n’aime pas, hein ! S’il n’aime pas, il a le droit de ne pas aimer, mais on va lui demander de regoûter à chaque fois que l’aliment est servi.
Cacher des aliments : mauvaise idée
Il y a besoin aussi d’observer, d’explorer ce qu’on mange, d’en parler de le jouer. Pour un enfant c’est une découverte. Nous, en tant qu’adulte, on a déjà des milliers de repas derrière nous. Eux, ils découvrent ! C’est un apprentissage, vraiment. C’est très important de ne jamais cacher ou dissimuler un aliment. Les techniques de « je mets du fromage dans la purée parce qu’il ne mange jamais de fromage, mais là, comme il ne sait pas qu’il y en a, il en mange »… il peut le manger dans la purée, mais c’est important qu’il sache aussi ce qu’il y a dedans et qu’il ne se fasse pas duper. Déjà parce que ça peut être mal vécu par l’enfant et puis aussi parce qu’on a besoin de savoir ce qu’on a dans l’assiette. Le but, c’est qu’il y ait une relation de confiance qui s’installe, donc on ne part pas sur ce genre de stratagème.
En cuisinant avec l’enfant ça lui permet de se familiariser avec les différents aliments : les voir quand ils sont crus, comment on les cuisine, comment ils sont transformés et savoir finalement ce qu’il a dans l’assiette.
Jouer à la dinette
Les jeux de dinette, ça peut aussi être une façon de désenflammer la problématique. Si l’enfant va donner à son doudou quelque chose qu’il a cuisiné avec sa dinette ; ou de rejouer certaines scènes, ça permet de les mettre un peu à distance et ce n’est pas lui qui est concerné. Ça permet aussi de voir comment il joue les choses avec sa poupée ou son doudou. Les jeux de dînette permettent aussi à l’enfant de prendre le pouvoir, dans le sens où là, c’est l’enfant qui fait à manger, c’est l’enfant qui décide de ce qu’il va cuisiner et il s’approprie les choses par lui-même.
Pas de grignotage entre les repas
Alors, au niveau de l’organisation de la famille, il y a 2 autres éléments qui sont vraiment importants.
Il y a besoin qu’il y ait 3 repas ± 1 ou 2 collations selon l’age de l’enfant, mais en tout cas, on ne mange pas tout au long de la journée. C’est vraiment important qu’il n’y ait pas de grignotage entre les repas : donc il y a le repas du matin, le repas de midi, un goûter et le repas du soir par exemple. Une fois qu’on a fini le repas de midi et qu’on attend le goûter, on ne va pas piocher un bonbon, un verre d’ Orangina ou je ne sais quoi. On fait attention que les enfants n’aient pas d’accès libre au placard ou au frigo. Ce sont des règles éducatives qui s’expliquent : ce ne sont pas eux qui vont se servir et s’ils ont besoin de quelque chose, ils demandent à papa ou à maman et c’est papa et maman qui mettent les règles.
Repas tous ensemble sans Tv !
Et puis les repas, c’est beaucoup mieux quand ce sont des moments partagés. L’enfant qui mange tout seul à table et puis papa, maman qui mangent après dans un deuxième temps, bah ils ne partagent pas grand-chose. Le repas n’est pas vécu de la même façon quand on est tous à table en train de manger : on s’entraine plus ou moins les uns les autres. Il y a quelque chose de différent quand on est tout seul.
Au moment des repas, on évite toutes les distractions. La télé, elle est fermée ; la radio elle est fermée aussi. C’est un moment partagé où on est en train de faire quelque chose, c’est Manger. Et il faut que ça ait toute son importance.
Pas de menu à la carte
Autre chose : on cuisine un repas pour toute la famille. Ça veut dire que même si on a mis aujourd’hui au menu des épinards et que l’enfant n’aime pas les épinards, on va lui demander de goûter. Comme on l’a dit, il y a besoin d’essayer plusieurs fois. Mais on ne fait pas de menu à la carte. Même s’il mange 3 cuillères d’épinards et qu’il n’en mange pas plus, ce n’est pas grave, il aura le reste de son repas dans le ventre. Et puis il y aura, le repas suivant qui viendra combler.
Bien sûr, on essaye d’avoir des repas où il n’y a pas qu’une seule chose ; où il y a une entrée, un plat, un dessert ou un plat avec légumes et féculents et un dessert. Mais en tout cas, on ne dit pas « il n’aime pas les épinards donc je vais lui faire des pommes de terre rôties et nous on mangera les épinards ». Non, c’est la même chose pour tout le monde.
Mon enfant ne veut pas manger : encourager à goûter et re-gouter
Et puis on peut proposer quand c’est des choses nouvelles : de regarder, de sentir l’aliment, de le toucher, de le goûter. Et si l’enfant n’aime pas il peut avoir l’autorisation de le cracher. Quand on a quelque chose dans la bouche et qu’on n’aime vraiment pas le goût, l’avaler c’est difficile. Donc on peut le recracher, ce qu’on lui demande, c’est de le goûter, de le re- goûter. Peut-être que la fois d’après il essaiera de le mâcher, peut-être que la fois suivante il pourra même avaler une ou deux bouchées. Mais ce n’est pas en forçant qu’on va lui faire accepter ou apprécier un nouvel aliment.
Donc on ne force pas l’enfant, on va à son rythme. Ce qui est important, c’est de l’encourager, de lui montrer le chemin qui a été parcouru.
Par exemple, si on reste sur les épinards :- la première fois, juste l’odeur, il n’a pas pu le mettre en bouche. La deuxième fois peut-être qu’il a goûter du bout des lèvres, il y a déjà un progrès, donc on lui signale. Et puis, la fois où il a réussi à en manger deux bouchées, on va le féliciter. Alors il peut toujours ne pas aimer, mais il a avancé dans son cheminement et c’est important de l’encourager.
Mange et tu auras un bonbon : NON !!!
Alors évidemment, on évite aussi tout ce qui est système de chantage ou de récompense en disant « si tu manges deux cuillères d’épinard, tu auras la crème au chocolat en dessert ». Le but, ce n’est pas la crème au chocolat. Le but, c’est qu’il puisse accepter plus d’aliments, donc élargir le répertoire alimentaire sans qu’il y ait une carotte derrière.
Moment de partage
Et puis au niveau comportemental, le repas ne doit pas être un enjeu de pouvoir. C’est plus facile à dire qu’à faire quand il y a des difficultés d’alimentation chez un enfant !
Pour faire en sorte que cela reste un moment convivial :
-on a dit pas de forçage,
-on va à son rythme,
-on l’encourage.
Ça doit être un moment de partage, comme on l’a dit, on doit être tous ensembles autour de la table.
Comme ça doit être un moment d’échanges, on bannit les écrans ! On peut en profiter pour parler de sa journée, comment ça s’est passé, ce qu’on a ressenti, ce qu’on a cuisiné, ce qu’on aimerait manger au repas suivant…
Et féliciter l’enfant pour chaque pas qui a été fait ! Car on avance beaucoup mieux avec des encouragements qu’avec des coups de bâtons. Pour certains enfants c’est vraiment un défi, c’est vraiment un challenge, surtout lorsqu’il y a des problèmes de sensorialité, ou au niveau moteur, pour eux c’est très coûteux, donc on les félicite pour chaque pas qui a pu être fait.
Mon enfant ne veut pas manger : la dimension plaisir
Enfin, on parlait en dernier du plaisir.
Le but des repas au final c’est que ce soit un moment de plaisir ensemble on l’a déjà dit.
Le plaisir des yeux
Il y a le plaisir des yeux : on peut aussi utiliser ce ressort là pour aider les enfants, en laissant l’enfant choisir son assiette, choisir ses couverts. Il y a aussi des petits plateaux repas qui existent avec un parcours type entrée, plat, dessert et une ligne d’arrivée à la fin pour rendre le moment un peu ludique. Comme il y a certains enfants qui n’ont pas beaucoup d’intérêt pour l’alimentation, ça peut être une façon de les motiver.
Et puis la présentation des aliments : on peut très facilement avec peu de matières premières faire un petit bonhomme en mettant deux tomates cerises, deux tranche de champignon, un morceau de carotte… On peut proposer aux enfants de les faire eux-mêmes, ou les faire pour eux, ils découvrent et c’est vrai que ça rend les choses plus agréables.
Le plaisir de faire tout seul !
Pour les enfants, petit à petit arrive aussi le plaisir de faire seul, de grandir, de se dire lorsqu’on réussit à aller plus loin que ce qu’on avait fait la fois précédente, qu’on est fier de soi. On peut les valoriser aussi quand on leur dit « Bah, tu vois, tu grandis, tu manges de plus en plus de choses comme un enfant plus grand ».
Quand on est vraiment chez des enfants petits, simplement le plaisir de tenir la cuillère et de la porter en bouche, c’est important aussi. On n’en a pas parlé de ça, mais laisser les enfants faire seuls et les autonomiser le plus possible. Donc arrêter de les nourrir comme des petits oisillons à qui on vient apporter la nourriture dans la bouche. Les enfants très tôt, ont envie de faire par eux-mêmes que ce soit avec leurs mains ou avec une cuillère, et il faut les encourager à ça aussi.
Le choix entre 2 légumes ou deux desserts
Et puis le plaisir de choisir entre deux options. Alors, on a dit, on n’est pas au restaurant, donc ce n’est pas repas à la carte, ce n’est pas « toi, tu auras ça parce que tu n’aimes pas ce qu’on va manger, et nous on va manger ça. » Mais en tout cas ils peuvent avoir le choix entre deux options. Par exemple s’il est prévu de manger des crudités, au moment de faire le repas on peut demander : « ce soir est-ce que tu préfères plutôt des carottes râpées ou des radis ? », « En dessert, est ce que tu préfères un yaourt ou une pomme ? » pour leur laisser quand même la main sur certaines choses et que tout ne soit pas imposé de façon verticale, mais dans des dimensions qu’on maitrise malgré tout et dans un cadre où on sait où l’on va. Ce n’est pas « open-bar » ! Le choix est entre le yaourt ou la pomme, ce n’est pas la glace, le yaourt, ou on va faire un gâteau… C’est un choix qui est relativement restreint mais c’est un choix.
C’est la boite à outils générale pour essayer de lever ce que l’on peut lever à la maison pour aider les enfants, sachant que chaque enfant est différent et qu’il y a besoin de faire du cas par cas et d’avoir un accompagnement qui soit le plus personnalisé possible.
Voilà !
Coralie, maman positive de 4 enfants nous parlait de ce choix dans cet article .
Différents professionnels peuvent aider les parents
Marie : Donc on voit avec tous ces outils que ça peut être multifactoriel ce problème. Ce n’est pas un seul point noir qui gâche les repas. Finalement ça peut être plusieurs choses, qu’on n’imagine pas forcément en tant que parents.
Et un professionnel peut vraiment nous aider à cheminer dans cette perception. C’est assez étonnant, on ne pense pas forcément en tant que parent quand il y a des problèmes à table que c’est peut-être qu’il n’a pas assez de muscle à la bouche….
Ça c’est ta vision de professionnel qui peut aider à faire ce diagnostic…
J’espère qu’avec ces trois épisodes de podcast on vous a donné un bel éventail de ce qui peut se jouer dans les habitudes alimentaires des enfants, avec aussi cette boite à outils finale dans cet épisode 3.
Finalement, ça peut être aussi pluridisciplinaire la prise en charge ?
Aurélia : Oui, bien souvent ça doit être pluridisciplinaire parce que comme tu le disais (là on a vu les choses de façon un petit peu scindées les unes des autres mais) bien souvent il y a plusieurs choses qui s’agglutinent, ce n’est pas tout blanc ou tout noir, c’est souvent une constellation. Il y a besoin de toute façon d’une supervision médicale pour les aspects santé, il y a aussi besoin d’une supervision orthophonique. De toute façon, les orthophonistes savent dire « c’est de mon ressort » ou « non, il va falloir aller voir plutôt quelqu’un d’autre ». Il peut y avoir besoin d’un psychologue éventuellement. Il peut y a voir besoin, s’il y a des blocages au niveau des articulations des mâchoires par exemple, d’un ostéopathe qui peut venir débloquer la situation. S’il y a des habitudes alimentaires qui sont vraiment trop… euh… comment dire (rires)… inadaptées pour toute la famille, peut être il peut y avoir besoin d’un rééquilibrage alimentaire de toute la famille.
Il peut y avoir besoin de différents professionnels. Le premier pas c’est d’aller taper à une des portes et ensuite, en général, les professionnels savent réorienter les uns vers les autres si nécessaire.
Marie : et bien, merci Aurélia pour ces épisodes de podcast très intéressants.
Aurélia : Merci Marie !
Marie : Et à bientôt !