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Mémoire et odeur – l’odorat ravive nos souvenirs
Cet article invité a été écrit par Sarah et Nicolas, du blog Labo Sciences Co’.
Lorsqu’un souvenir surgit dans notre conscience, celui ci peut apparaître sous diverses formes, toutes issues de notre mémoire.
Un flashback des moments heureux passés l’été dernier. Une musique plaisante nous rappelant un moment plus ou moins agréable de notre vie. Mais aussi, une odeur assimilée à une personne ou à un moment marquant de notre enfance. En somme, notre petite madeleine de Proust à nous. En effet, notre mémoire olfactive se révèle être essentielle dans l’association d’un souvenir à notre mémoire. Une odeur, au même titre qu’un son ou un souvenir visuel, peuvent être déclencheurs d’un souvenir. Ce souvenir est ainsi associé à une émotion, positive ou négative.
Quand notre odorat se mêle à nos souvenirs
L’odorat fait partie de nos 5 sens, au même titre que le goût, le toucher, l’ouïe ou encore l’audition. On observe souvent des associations entre ces sens, notamment l’odorat et le goût ! Nous allons voir dans cette partie tout le cheminement de la perception de l’odeur.
Comment notre cerveau intègre une odeur ?
La muqueuse olfactive capte les molécules odorantes nous entourant. Cela se fait de manière plus ou moins consciente. Soit on choisit de respirer une odeur, soit nous l’intégrons de manière non consciente. Cette muqueuse recouvre notre cavité nasale. Sur cette muqueuse, se trouvent des neurones olfactifs primaires. Les axones de ces neurones sont en communication directe le bulbe olfactif. C’est une zone essentielle de notre cerveau pour l’intégration de notre odorat. On trouve ce dernier dans la région pré-frontale de notre cortex. Le bulbe olfactif intègre aussi les informations liées au goût (d’où le fort lien odorat / goût !)
Vous comprenez donc que notre cerveau participe à la mise en place de toutes nos sensations ! Si l’on sent une odeur, même si celle-ci ne nous évoque aucun souvenir, c’est bien grâce à l’implication de notre cerveau dans tout ce processus 🙂
Association entre le circuit olfactif et le circuit de la mémoire émotionnelle
En plus de la seule sensation olfactive, il existe d’importants liens entre notre cognition et notre mémoire olfactive. En effet, une fois que l’information olfactive est envoyée au bulbe olfactif, elle est transmise à deux structures essentielles de notre système limbique : l’hippocampe et l’amygdale.
De l’odeur au souvenir
L’hippocampe joue un rôle majeur dans notre mémoire. En effet, lorsque l’information olfactive y est transmise, elle y est aussi stockée. L’information passe ainsi une série de « check point » qui nous permet d’identifier l’odeur que l’on vient de sentir.
Est-ce-que je reconnais l’odeur ?
Me fait-elle penser à une odeur que j’ai déjà senti ?
Et enfin, me rappelle-t-elle un moment particulier ?
Ainsi, via ce circuit de la mémoire, l’odeur est identifiée et y est ancrée.
Du souvenir à l’émotion
L’amygdale joue le rôle le plus intéressant dans notre circuit de la mémoire olfactive. Elle intervient dans l’aspect émotionnel de l’odeur. C’est grâce à cette connexion directe entre notre bulbe olfactif et cette structure cérébrale, que l’odeur peut nous véhiculer une émotion positive ou négative. C’est là aussi que la petite madeleine de Proust prend tout son sens. Souvenez-vous quand Proust mangea chez sa mère, une madeleine trempée dans du thé, cela lui fit retomber en enfance lorsque sa tante Léonie lui faisait aussi manger des madeleine trempées dans son infusion. Ce souvenir était agréable et réconfortant pour Proust.
Le côté émotionnel est justement lié à la connexion qui est faite avec l’amygdale. C’est aussi la raison pour laquelle, quand il s’agit de la mémoire olfactive, nous avons la plupart du temps une mémoire associative plutôt qu’une mémoire absolue. En d’autres termes, nous nous souvenons d’une odeur, via l’émotion qu’elle procure.
Cette odeur est-elle agréable ? Désagréable ?
Nous rappelle-t-elle un moment plaisant ? Ou au contraire, un moment que nous aurions préféré oublier ?
Conscience de notre souvenir
Quoiqu’il en soit, ces souvenirs liés aux odeurs surgissent de manière non consciente. Proust n’a pas décidé de se souvenir de ces moments avec sa tante lorsqu’il a mangé une madeleine avec son thé. Ce souvenir lui est apparu instinctivement. Une fois le souvenir ravivé, l’entreprise devient consciente. Ce n’est qu’à partir de ce moment là, que l’on recherche dans notre mémoire tous les éléments associés à ce déclencheur.
Ainsi, plus qu’un simple sentiment agréable ou désagréable, l’odorat fait resurgir en nous toutes les émotions associées au moment où nous avons perçu l’odeur pour la première fois. Les sens s’associent souvent entre eux. Par exemple, en sentant un parfum familier, important pour vous, vous pouvez avoir le souvenir visuel de la personne qui le portait, où bien des lieux où cette odeur était diffusée.
Différence d’association émotionnelle entre l’odorat et la vue
Parfois, l’on entend que la mémoire olfactive est la plus « puissante » des formes de mémoire, bien devant la mémoire auditive. Tout d’abord, il est nécessaire de relativiser l’emploi de ces termes, sans en dégager une réalité concrète et fixée scientifiquement. Ensuite, si une différence de « puissance » à proprement parler ne peut exister entre ces différentes composantes, il existe néanmoins une différence dans l’importance de l’association émotionnelle qui existe entre l’odorat et la vue. Je m’explique.
« Neuroimaging evidence for the emotional potency of odor-evoked memory »
Dans l’étude « Neuroimaging evidence for the emotional potency of odor-evoked memory », Herz et son équipe ont cherché à comparer l’impact émotionnel des souvenirs ravivés via un stimulus olfactif ou un stimulus auditif connu. Afin d’étudier les zones cérébrales impliqués dans ces processus, ils ont utilisé des résultats d’imageries IRMf (Imagerie par Raisonnance Magnétique fonctionnelle). Il apparaît que les stimuli olfactifs connus (parfum permettant faisant se remémorer un souvenir par exemple) provoquaient une activation plus importante des régions émotionnelles du cerveau, que les stimuli visuels connus.
En somme, sentir une odeur connue nous provoque plus d’émotions (négative ou positive), d’un point de vue quantitatif, que de voir un lieu ou une personne connue.
Une explication toute simple sous-tend ce phénomène 🙂
Nous avons vu dans la partie précédente, que pour que l’on ressente une émotion en sentant une odeur, l’information transportée via les neurones passait du bulbe olfactif, directement vers l’amygdale. Ce qui n’est pas le cas de l’information visuelle !
Avant de passer vers l’amygdale, les voies visuelles transitent vers le néo-cortex. Le cerveau fait ainsi une analyse cognitive, avant que l’on ne ressente quelconque émotion face à stimulus visuel. Cela explique aussi pourquoi les souvenirs ravivés par les odeurs, sont si soudains et sont difficilement descriptibles par la personne qui en fait l’expérience 🙂
Pour conclure
L’odorat est un puissant déclencheur de souvenirs et d’émotions qui peuvent y être associées. Les thérapies olfactives utilisent d’ailleurs cette « mémoire olfactive » pour permettre de raviver certains éléments de notre mémoire.
Nous espérons que cet article vous a aidé à appréhender tous les pouvoirs de notre odorat, et qu’il vous permettra de comprendre au mieux tous les petits souvenirs que vous vous créerez 🙂
Cet article invité à été écrit par Sarah et Nicolas, du blog Labo Sciences Co’.