Peut-on être accro à la malbouffe?

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Peut-on être accro à la malbouffe ? Cette question est posée dans un article de la revue Cerveau et Psycho N°99 de mai 2018. L’article m’a interpellé et j’aimerais vous en faire un (long) résumé. L’auteur est Paul J.Kenny, directeur du département de Neuroscience à l’école de médecine Icahn du Mont Sinaï à New York.

Dans l’introduction de son article, l’auteur mentionne que si vous succombez très souvent à la tentation d’un burger dégoulinant et que ce comportement devient « douloureux », vous souffrez peut être d’addiction.

Pour démarrer, il nous fait part d’une expérience avec des rats qu’il a faite dans son laboratoire il y a quelques années. Il s’agissait d’offrir à des rats un accès illimité à des aliments classiques pour rongeurs et aussi à une nourriture très calorique type Saucisse, cheesecake et chocolat. Les rats ont vite délaissé la nourriture fade et saine pour ne manger que la malbouffe de façon exclusive. Et ce qui devait arriver, arriva : ils ont pris du poids et sont devenus obèse. Puis ils ont conditionnés les rats à associer un signal lumineux avec un danger de décharge électrique qui leur faisait peur. Or quand les rongeurs étaient en train de manger leur nourriture habituelle au moment du flash lumineux, ils détalaient effrayés. Mais s’ils étaient obèse et étaient en train de manger des saucisses ou du chocolat et que se produisait le signal lumineux : ils finissaient leur repas en ignorant le danger …oui les rats risquaient leur vie pour du chocolat !

Une autre université en Angleterre avait fait une étude similaire en plaçant des rats face à de la cocaïne. Ce qui soulève alors la question : est-ce possible d’être accros à la nourriture car la même incapacité à interrompre un comportement dangereux se révèle comme dans les cas d’addiction aux drogues… L’auteur tente d’y répondre dans la suite de son analyse car chez l’homme, cette envie irrépressible existe. Et la majorité des gens obèses affirment vouloir réduire leur consommation calorique, mais n’y arrivent pas malgré les risques encourus (problèmes physiques, problème de santé, vie sociale…).

1ère tentative d’explication : on suspecte les hormones qui régulent l’appétit.

A la fin des années 1990, la perception de l’obésité comme 1 trouble du comportement et un manque de volonté évolue radicalement dans la communauté scientifique, grâce à des expériences sur des souris. La découverte d’une anomalie génétique, qui code pour la leptine, une hormone secrétée par les souris, comme les Hommes, en fin de repas et qui stoppe la sensation de faim. L’auteur en déduit alors que l’obésité pourrait être un trouble hormonal mais en partie seulement, car d’autres études montrent que PEU de personnes obèses souffrent effectivement de ce genre de dérégulation hormonale.

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2ème concept : quand le plaisir l’emporte sur la satiété

L’auteur nous explique en détail les interactions hormones-neurones qui contrôlent l’appétit dans l’hypothalamus (le circuit de la récompense), mais aussi dans l’estomac et dans l’intestin (hormone de satiété), et qui modulent le plaisir associé à la consommation de nourriture.

Le fait est que, au contact de la nourriture que l’auteur appelle moderne (malbouffe très appétissante d’aliments gras et sucrés), le circuit de la récompense est activé de façon si INTENSE que ce type de nourriture parvient à prendre le dessus sur les mécanismes hormonaux de satiété et nous invite à manger toujours plus…(Personnellement je trouve cela incroyable !…)

3ème concept : une tolérance à la malbouffe

L’auteur commence par rappeler que nous sommes naturellement dotés d’un système cognitif et hormonal capable de nous aider à maintenir notre poids de forme, en nous signalant quand manger et quand nous arrêter. Mais la malbouffe arrive souvent à éteindre ces signaux hormonaux et cérébraux ce qui fait prendre du poids. L’organisme alerté essaye de réagir en secrétant dans le sang de plus en plus d’hormones coupe faim, mais à force de côtoyer ces dernières à hautes doses, le corps et le cerveau apprennent aussi à les tolérer et donc l’impact de ces hormones au fil du temps décroit. Des études en imagerie cérébrales ont confirmé que le circuit de la récompense des individus en surpoids est moins sensible et réagit moins fortement. Les personnes obèses auraient donc besoin de davantage se nourrir pour parvenir au même degré de plaisir que les personnes minces.

Le plaisir de manger, dans certains cas, prendrait donc en otage le système cérébrale de la récompense : et plus nous consommons, plus nos besoins augmentent …telles les drogues. Mais ce constat suffit-il pour considérer le plaisir de manger comme une addiction ?

4ème concept : morphine, alcool, malbouffe, même combat ?

Les récentes découvertes confortent l’idée que le fait de trop manger partage, dans certains cas, des caractéristiques communes avec l’addiction aux drogues. Les études en imageries cérébrales révèlent d’autres points communs entre surconsommation d’aliments et addictions, par exemple que les individus nés avec un déficit en récepteur D2R à la dopamine (hormone du plaisir) ont plus de risque de devenir obèse ou addicts aux drogues.

Mais il faut rester prudents dit l’auteur car malgré leur ressemblance, l’obésité et l’addiction diffèrent aussi sur plusieurs points :

Par exemple, si la nourriture était une drogue, elle devrait contenir UN élément unique qui déclenche l’addiction (exemple comme la nicotine dans les cigarettes). Mais la plupart des recherches d’aujourd’hui montrent qu’un ingrédient unique ne peut pas être à l’origine de comportement addictif vis-à-vis de la nourriture. Ce serait plutôt une combinaison de lipides et de sucres associée à un fort potentiel calorique qui serait en jeu (donc beaucoup plus complexes au niveau des cellules).

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5ème concept : nous sommes tous obligés de manger

Notre survie fait que nous sommes tous « accro » à la nourriture en quelque sorte. Mais attention la malbouffe hypercalorique est LA SEULE à pouvoir prendre en otage notre système de régulation de l’appétit de de récompense. Les autres aliments (on pense aux légumes), même consommés en grande quantité ne provoquent pas ces changements cérébraux et hormonaux.

En fait, le comportement du cerveau est encore  « préhistorique » et n’est pas adapté à notre société moderne où la nourriture est abondante et omniprésente. Pendant des millions d’années, le problème majeur des êtres humains n’était pas de réduire leur appétit mais bien de chasser et stocker, pour survivre pendant des périodes de disette. Vu sous cet angle, il est facile d’imaginer que le cerveau considère comme bénéfique le fait de se gaver d’aliments très calorique…malheureusement !

Conclusion de l’auteur : que reste-t-il à faire ?

  • Mieux comprendre quels réseaux et quelles modifications cellulaires du cerveau conduisent les toxicomanes à la consommation compulsives de drogues. Puis voir si ces mécanismes sont en jeu au niveau cellulaire pour les personnes obèses. Ceci pour avoir une fenêtre ouverte sur des traitements médicamenteux très ciblés.
  • Ne pas exposer nos enfants à la nourriture malsaine malgré son omniprésence dans notre société

 

Ce que j’en retiens en tant que nutritionniste :

La science découvre et explique de nouvelles choses, et il en reste à découvrir. J’accompagne, depuis 12 ans, des personnes pour qu’elles retrouvent leur système de régulation naturelle dont parle l’auteur au 3ème concept, afin de retrouver leur poids de forme et surtout, surtout le garder. Pourtant, je sais très bien qu’il est très facile de manger plus que ses besoins car nous sommes dans une société d’abondance où la vigilance doit être… MAXIMUM. Ce nouvel éclairage peut expliquer ce qui se passe chez certaines (rares) personnes qui ressentent très peu la satiété et peuvent avaler de très grosses quantités de nourriture souvent grasse et sucrée.

Si vous avez aimé cet article vous aimerez sûrement aussi le résumé du livre « Conditionnés pour trop manger » de Brain Wansink que j’ai écrit sur le Blog Des livres pour changer de vie,

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3 thoughts on “Peut-on être accro à la malbouffe?

  1. Merci pour ce bel article, Marie !
    C’est sûr, c’est compliqué de bien se nourrir… surtout quand on a des enfants !
    Mais je pense aussi que c’est notre devoir, en tant que maman, d’éduquer nos enfants à une bonne alimentation, et de leur montrer l’exemple. Bon pas toujours facile de trouver l’équilibre entre plaisir et frustration…
    A la maison, j’ai + de mal avec mon fils de 13 ans qu’avec celui de 10 ans,((mais j’ai bon espoir que « patience et longueur de temps, font + que force ni que rage » ))
    On essaye de trouver des recettes sympas (je vais d’ailleurs essayer tes gaufres aux légumes 😉 pour ne pas les braquer… mais ce qui est sûr, c’est que MacDo et coca, il n’y en aura jamais à la maison !!!

  2. Et une chose se rajoute qui augmente encore l’attrait pour la malbouffe, pour moi en tout cas : c’est tellement plus facile !!
    Pas de légumes à éplucher, pas de recette à suivre, pas besoin d’utiliser son cerveau et son énergie …
    Et comme je vis seule, iln’y a que moi qui en pâtit …

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